ACTUALITES JURIDIQUES Novembre 2004 - N°9
 
 
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Droit du travail
23-11-2004

Désignation d'un représentant syndical au CE : on ne peut pas être juge et partie
Un salarié mandataire de l'employeur qui préside le comité d'entreprise ne peut être désigné délégué syndical et représentant syndical au CE.
Dans cette affaire, un employeur demande l'annulation de la désignation comme délégué syndical et représentant syndical au CE d'un de ses salariés qui préside le comité d'entreprise. Le tribunal d'instance refuse d'annuler cette désignation au prétendu motif que ni le contrat de travail ni aucun autre document ne mentionne l'existence d'une délégation expresse de signature de l'employeur. Et d'en déduire qu'il importe peu que ce salarié préside le comité d'entreprise.
La Cour de cassation ne suit pas le même raisonnement et décide que « le salarié mandataire de l'employeur qui préside le comité d'établissement ne peut être désigné délégué syndical et représentant syndical au comité ».

Remarque : habituellement, la jurisprudence considère que seuls les cadres assimilés à l'employeur par l'article L. 513-1 du code du travail, et notamment les cadres détenant sur un service, un département ou un établissement une délégation particulière d'autorité établie par écrit, ne peuvent devenir délégué syndical ou représentant syndical au CE (Cass. soc., 13 juill. 2004, n° 02-60.684, Aronica c/ SA Eurogard). Aujourd'hui, la Cour de cassation semble vouloir atténuer la rigueur de cette exigence, liée à l'existence formelle d'une délégation d'autorité établie par écrit, et revenir à une jurisprudence antérieure qui consistait à rechercher, au cas par cas, la réalité et l'étendue des pouvoirs du salarié au vu des fonctions réellement exercées (Cass. soc., 24 juin 1998 n° 96-60.352, Fontaine et a. c/ Sté Main Sécurité). Atténuation qui semble logique dans un cas aussi évident que celui qui lui était soumis. On ne peut pas être à la fois juge et partie, en étant d'un côté chargé de présider le CE et, de l'autre, chargé de défendre les intérêts des salariés.

Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 03-60.359, SA Aaron c/ Lacour et a.
Rédaction : Guide Permanent Comité d'Entreprise



Droit du travail
19-11-2004
Licenciement économique d'un salarié protégé : le défaut de consultation du CE sur le projet de licenciement collectif ne peut pas être invoqué devant le juge judiciaire
Un représentant du personnel dont le licenciement économique a été autorisé par l'administration ne peut pas contester devant le juge judiciaire la régularité de la procédure antérieure à la saisine de l'inspecteur du travail.
Une fois que le licenciement économique d'un représentant du personnel a été autorisé par l'inspecteur du travail, le salarié peut-il contester devant le juge judiciaire la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur ?
Dans une décision du 27 octobre 2004, la Cour de cassation apporte à nouveau une réponse négative à cette question : « Mais attendu que l'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé compris dans un licenciement collectif pour motif économique prive ce dernier de la possibilité de contester devant le juge judiciaire la régularité de la procédure antérieure à la saisine de l'inspecteur du travail ». Même si cette solution n'est pas en soi nouvelle (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-40.071, Sté Les Editions du Seuil c/ Amigo), elle mérite d'être rappelée.
En l'espèce, le salarié avait pensé qu'il lui était possible d'invoquer devant les prud'hommes un défaut de consultation du CE sur le projet de licenciement collectif pour réclamer des dommages-intérêts. Son erreur lui coûte d'être débouté de sa demande. Rien de surprenant à cela. La régularité de la procédure de consultation du comité fait partie des vérifications qu'il incombe à l'inspecteur du travail d'effectuer. Le salarié n'avait donc d'autre alternative que de contester l'autorisation de licenciement devant le juge administratif.

Remarque : il faut signaler que même en présence d'une autorisation administrative de licenciement, l'intervention du juge judiciaire n'est pas absolument impossible. Il a encore été récemment rappelé, dans une affaire mettant en cause la même société que celle impliquée dans la décision ci-dessus commentée, que les salariés licenciés pour motif économique peuvent contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire et demander la nullité de leur licenciement, même lorsque leur licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail (Cass. soc., 20 oct. 2004, n° 02-43.909, Dupont c/ Compagnie P & O Stena Line). La décision du 27 octobre 2004 rappelle également que je juge judiciaire reste compétent pour apprécier le respect de l'ordre des licenciements par l'employeur.

Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 02-46.935, Vandroy c/ Compagnie P & O Stena Line
Rédaction : Guide Permanent Comité d'Entreprise - Bulletin 801



Droit du travail
18-11-2004
Licenciement d'un salarié en longue maladie : modalités d'appréciation de la nécessité de le remplacer
Le remplacement définitif d'un salarié absent en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement.
La Cour de cassation a toujours admis le licenciement d'un salarié en arrêt de travail motivé par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée perturbe l'entreprise (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40.110 : Bull. civ. V, n° 84).
Dans un arrêt récent, elle vient de préciser, pour la première fois, que le remplacement définitif du salarié absent en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement. Ce délai doit être apprécié souverainement par les juges du fond en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.
En l'espèce, une salariée qui occupait des fonctions de comptable a été licenciée au motif que son absence prolongée désorganisait le service comptable de l'entreprise et rendait nécessaire son remplacement définitif. La salariée a demandé des dommages-intérêts pour licenciement abusif. Les juges du fond ont considéré que le licenciement était justifié dans la mesure où il a été pourvu au remplacement de la salariée. Or cette dernière n'a été remplacée que plusieurs mois après son remplacement.

La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel au motif que les juges n'ont pas recherché si le délai pour remplacer la salariée était raisonnable. Elle renvoie le litige devant les juges du fond pour qu'ils vérifient si le délai de plusieurs mois pour remplacer la salariée licenciée était justifié. Pour cela, les juges devront prendre en compte les spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que les démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.

Cass. soc., 10 nov. 2004, n° 02-45.156, X c/ Sté express national service SA
Rédaction : Dictionnaire Permanent Social


Droit du travail
15-11-2004

Nouvelle réglementation de la durée du travail dans le secteur des transports
Le code du travail prévoit désormais des règles particulières sur la durée du travail applicable au secteur des transports.
Une ordonnance du 12 novembre 2004 modifie le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports afin de se conformer au droit communautaire. Ce secteur d'activité, exclu du champ d'application de la directive du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du travail, a fait l'objet, par la suite, de dispositions particulières dans la directive 2000/34/CE. Ces dispositions ont été reprises dans la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
Le droit français n'était plus en conformité avec le droit communautaire dans la mesure où les dispositions du code du travail relatives au repos journalier, au repos hebdomadaire, au temps de pause et au travail roulant ne s'appliquaient pas au personnel roulant et navigant du secteur des transports.
C'est pourquoi, il était devenu nécessaire d'introduire dans le code du travail des dispositions particulières relatives au temps de travail des salariés de ce secteur d'activités. La loi du 18 mars 2004 avait habilité le gouvernement à transposer par ordonnance les directives communautaires. C'est ainsi que l'ordonnance du 12 novembre 2004 introduit, conformément aux directives européennes, des dispositions relatives au temps de travail dans le secteur des transports.
Le champ d'application de ces mesures concerne les salariés des entreprises de transport routier, de navigation intérieure, de transport ferroviaire ainsi que des entreprises assurant la restauration et exploitant les places couchées dans les trains.
Ces mesures concernent notamment :
- une réglementation particulière du travail de nuit (définition du travail de nuit, durée maximale quotidienne de travail) ;
- le temps repos quotidien ainsi que le temps de pause ;
- les conditions dans lesquelles un décret peut déroger aux règles de droit commun régissant le cycle de travail, le décompte des heures supplémentaires, la durée maximale hebdomadaire moyenne du travail, la répartition des horaires ;
- les conditions dans lesquelles une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise peut déroger à ces décrets.

Ord. n° 2004-1197, 12 nov. 2004 : JO, 14 nov. ; C. trav. Art. L. 212-1, L. 212-19, L. 212-25-1-1, L. 213-2, L. 213-11, L. 220-3, L. 221-1 mod. par Ord. n° 2004-1197, 12 nov. 2004 : JO, 14 nov.
Rédaction : Dictionnaire Permanent Social

Gestion Fiscale

Fiscalité des entreprises
18-11-2004

Un nouveau crédit d'impôt pour les PME ?
Les petites et moyennes entreprises qui exposent des dépenses d'équipement en nouvelles technologies pourraient bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 20 % de ces dépenses.
Les dépenses d'équipement en nouvelles technologies, exposées par les PME, qui devraient ouvrir droit au crédit d'impôt seraient :
- les dépenses d'acquisition à l'état neuf d'immobilisation incorporelles et corporelles relatives à la mise en place d'un réseau intranet ou extranet, à l'exception des ordinateurs sauf lorsqu'ils sont exclusivement utilisés comme serveurs ;
- les dépenses d'acquisition à l'état neuf d'immobilisation corporelles permettant l'accès à internet haut débit, à l'exception des ordinateurs ;
- les dépenses d'acquisition à l'état neuf d'immobilisation corporelles ou incorporelles nécessaires à la protection des réseaux intranet ou extranet ;
- les dépenses d'aide à la mise en place et à la protection des réseaux intranet ou extranet.

Remarque : les entreprises qui pourraient bénéficier de ce crédit d'impôt sont celles qui ont employé moins de 250 salariés et ont réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros au cours de l'année au titre de laquelle les dépenses d'équipement en nouvelles technologies seraient exposées.

Le crédit d'impôt serait imputé sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année au cours de laquelle l'entreprise a engagé les dépenses.
Ce crédit d'impôt serait applicable aux dépenses exposées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2007.

Projet de loi de finances rectificative pour 2004, art. 36
Rédaction : Dictionnaire Permanent Gestion Fiscale

Droit des Affaires

Droit économique (concurrence, distribution, consommation)
05-11-2004

Adaptation de certaines dispositions du code de commerce au droit communautaire de la concurrence
Une ordonnance du 4 novembre 2004 applique le règlement du Conseil n° 1/2003 (CE) du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne.
Ce règlement remplace le règlement du Conseil n° 17 du 6 février 1962. Il conduit notamment à une décentralisation de l'application des règles de concurrence communautaires relatives aux pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.
Ces dispositions visent à compléter les pouvoirs décisionnels du Conseil de la concurrence, à clarifier les procédures de coopération internationale entre autorités de concurrence et à harmoniser les règles de protection du secret des affaires ainsi que les règles de prescription. Elles complètent la procédure de consultation du Conseil de la concurrence par les tribunaux qui statuent sur des litiges relatifs à l'application des règles communautaires de concurrence, étendent au domaine communautaire la spécialisation de compétence des tribunaux existant en matière de concurrence et précisent les pouvoirs d'investigation conférés aux fonctionnaires habilités à assister les agents de la Commission lorsque ceux-ci effectuent une inspection sur le territoire national.
Elles ouvrent enfin la possibilité aux enquêteurs français de bénéficier de l'assistance d'agents d'autres autorités nationales de l'Union européenne lorsqu'ils mènent des investigations au nom et pour le compte de ces dernières.

Ord. n° 2004-1173, 4 nov. 2004 : JO, 5 nov.
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit des Affaires


Droit des sociétés
10-11-2004

Prévention des malversations financières : la Commission souhaite que les comptes reflètent l'état réel des entreprises
La Commission a publié une communication intitulée « Prévenir et combattre les malversations financières et pratiques irrégulières des sociétés ».
A la suite des scandales Enron et Parmalat, la Commission considère que l'Europe se trouve désormais aux prises avec des problèmes globaux de « gouvernement des entreprises », qui se jouent des frontières nationales. Or, la sanction des manquements à ces obligations est, en l'état, nationale.
Ce nouveau document de la Commission indique clairement qu'il n'est pas tant question d'améliorer la « gouvernance » des entreprises en ajoutant des normes légales à celles existant déjà, que d'établir « un suivi effectif de l'application de la législation ».
Pour la Commission, les scandales Enron et Parmalat, parmi d'autres exemples, révèlent que les malversations commises durant des années n'ont été possibles que parce les règles de droit des sociétés n'ont pas été respectées (contrôles internes, contrôles externes, surveillance des organes spécifiques ou institutions publiques, etc.).
C'est sur la base de ces constats que la Commission définit quatre « lignes de défense », pour reprendre sa terminologie :
- renforcement des contrôles internes et du gouvernement d'entreprise ;
- contrôles par les tiers indépendants (auditeurs, comptables, établissements de crédit, banquiers d'investissement, avocats d'affaires, agences de notation, analystes financiers, etc.) ;
- transposition par les États membres de la législation communautaire, notamment pour lutter contre les pratiques irrégulières des sociétés ;
- nécessité de faire respecter les réglementations et de procéder aux recherches d'informations utiles sur la criminalité organisée (lutte contre la fraude fiscale ; rapprochement des législations concernant les règles minimales relatives aux infractions financières et pénales ; réexamen de la législation concernant le dépistage, le gel, la saisie et la confiscation des produits du crime).

Doc. COM CE, 611 final, 27 oct. 2004
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit Européen des Affaires

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Sous la direction du

Conseil National des Barreaux


En partenariat avec

Les Editions Législatives

Droit Européen
des Affaires


Droit économique et commercial
05-11-2004

Profession d'avocat : définition des modalités d'exercice des ressortissants communautaires et suisses
Un décret organise les conditions d'inscription et d'exercice en France des avocats ressortissants de Suisse et des autres États membres de l'Union européenne.
Le décret n° 2004-1123 du 14 octobre 2004 distingue l'exercice ponctuel de la profession (la libre prestation de service) de son exercice permanent, tant sous l'aspect disciplinaire ou déontologique que par rapport aux questions de domiciliation.

Parmi les principaux changements apportés par le décret du 14 octobre 2004 à un précédent décret du 27 novembre 1991, on relèvera notamment que :
- l'activité professionnelle des avocats ressortissants des États membres de l'Union européenne et de Suisse ne s'étend pas aux domaines qui relèvent de la compétence exclusive des officiers publics ou ministériels (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 202) ;
- le titre d'avocat est applicable aux avocats ressortissants de l'un des États membres de l'Union européenne, ou de Suisse, ayant acquis leur qualification dans l'un des 25 États membres, ou en Suisse, venant accomplir à titre permanent ou occasionnel, sous leur titre professionnel d'origine, leur activité professionnelle en France (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 200 et 201) ;
- l'inscription des avocats ressortissants de ces États sur une liste spéciale du tableau et la nécessité de prêter serment (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 93-1).

Plusieurs formalités s'imposent pour ces avocats, parmi lesquelles :
- la nécessité, pour obtenir une inscription en France sur la liste spéciale du tableau d'un barreau, de joindre une attestation d'inscription, datée de moins de trois mois, délivrée par l'autorité compétente du pays dans lequel l'avocat d'un autre État membre de l'Union européenne, ou de Suisse, a acquis le titre sous lequel il entend exercer (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 101) ;
- le devoir pour l'avocat inscrit sous son titre professionnel d'origine, et décidant d'exercer au sein d'un groupement régi par le droit de l'État dans lequel son titre a été acquis, de communiquer au Conseil de l'ordre français les statuts de ce groupement, ainsi que tous les documents relatifs à son organisation et à son fonctionnement (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 101-1).

Le décret du 14 octobre 2004 précise également que :
- la représentation, ou la défense, d'un client en justice a lieu dans les mêmes conditions qu'un avocat inscrit à un barreau français (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 202-1) ;
- les avocats suisses, ou d'autres États membres de l'UE, sont tenus au respect des règles qui s'imposent aux avocats inscrits à un barreau français (ex : incompatibilité entre l'exercice de l'activité d'avocat et d'autres activités, respect du secret professionnel, rapports confraternels, règles sur les conflits d'intérêts, publicité). L'application de ces règles doit néanmoins s'avérer nécessaire « pour assurer, en France, l'exercice correct des activités d'avocat, la dignité de la profession et le respect des incompatibilités » (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 202-2) ;
- les sanctions disciplinaires sont celles applicables aux avocats inscrits à un barreau français (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 202-3).

Enfin, d'autres dispositions visent l'exercice permanent de la profession d'avocat en France et précisent notamment la procédure à engager dans l'État membre d'origine contre l'avocat ayant manqué aux règles professionnelles existant en France (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 203-1).

D. n° 2004-1123, 14 oct. 2004 : JO, 21 oct. 2004, p. 17825
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit Européen des Affaires


Droit social
21-10-2004

Dérogation à la durée maximale hebdomadaire de 48 heures : il faut l'accord individuel du salarié
Pour déroger à la durée maximale hebdomadaire de 48 heures, le consentement du salarié doit être explicitement et librement exprimé. Cette condition n'est pas remplie, selon la CJCE, lorsque le contrat de travail se borne à faire référence à une convention collective qui autorise un dépassement de la durée maximale du travail.
Le litige soumis à la Cour de justice de la Communauté européenne (CJCE) concerne le droit du travail allemand mais la solution est transposable dans notre droit interne.
En l'espèce, dans les différents contrats de travail, l'employeur et les salariés (secouristes accompagnant des ambulances) sont convenus d'appliquer une convention collective selon laquelle le temps de travail hebdomadaire moyen de ces derniers était de 49 heures, compte tenu de leur obligation d'effectuer un service de permanence d'au moins 3 heures par jour en moyenne en plus des 38,5 heures de travail effectif. Pendant les périodes de permanence, les secouristes concernés doivent se tenir à disposition de l'employeur sur le lieu de travail et sont tenus de rester constamment attentifs afin de pouvoir intervenir immédiatement en cas de besoin.
Devant la juridiction allemande, les salariés entendent faire constater que leur temps de travail hebdomadaire moyen ne saurait dépasser la limite de 48 heures prévue par la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant l'aménagement du temps de travail. Cette juridiction a sursis à statuer pour poser à la Cour de justice plusieurs questions à cet égard.

La CJCE précise qu'un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures telle que prévue par la directive exige une acceptation explicitement et librement exprimée par chaque salarié pris individuellement. Il ne suffit pas que le contrat de travail se réfère à une convention collective permettant un tel dépassement.
Dans la lignée de son arrêt Jaeger, la Cour juge, ensuite, que, lors de la détermination de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail, les périodes de permanence, à l'instar des périodes de garde, doivent être intégralement prises en compte. Elles doivent être considérées comme du temps de travail effectif. Elle précise que la limite maximale de 48 heures en ce qui concerne la durée moyenne de travail par semaine, y compris les heures supplémentaires, constitue une règle du droit social communautaire revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale destinée à la protection de sa sécurité et de sa santé. La directive s'oppose dès lors à une réglementation nationale qui, le cas échéant au moyen d'une convention collective ou d'un accord d'entreprise fondé sur une telle convention, a pour effet de permettre un dépassement de cette durée maximale.
Enfin, la Cour constate que la directive remplit, en ce qui concerne la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, les conditions requises pour produire un effet direct. Par conséquent, les particuliers peuvent l'invoquer devant les juridictions nationales.
Dans le cas d'un litige opposant des particuliers, une directive ne peut pas trouver application en tant que telle, puisqu'elle ne peut jamais créer d'obligation pour un particulier. Toutefois, la juridiction nationale est tenue, lorsqu'elle applique les dispositions du droit interne adoptées aux fins de transposer les obligations prévues par une directive, de prendre en considération l'ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour aboutir à une solution conforme à l'objectif poursuivi par celle-ci.

En l'espèce, la juridiction de renvoi doit donc faire tout ce qui relève de sa compétence pour empêcher le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail qui est fixée à 48 heures par la directive en cause.

CJCE, 5 oct. 2004, aff. C-397/01 et C-403/01, Pfeiffer et a.
Rédaction : Dictionnaire Permanent Social