ACTUALITES JURIDIQUES Mars 2005 - N°13
 
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Social

Droit du travail
17-03-2005
Mise en oeuvre du droit d'alerte : CCE ou comité d'établissement ?
La mise en oeuvre du droit d'alerte relève de la compétence exclusive du comité central d'entreprise. Les comités d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative.
Solution inédite. C'est en effet à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation précise, pour les entreprises dotées d'un CCE et de comités d'établissement, que l'exercice du droit d'alerte prévu par l'article L. 432-5 du code du travail relève de la compétence exclusive du comité central. Dans cette affaire, le comité d'établissement avait estimé que la politique de sous-traitance menée par l'entreprise depuis plusieurs années l'autorisait à faire jouer le droit d'alerte. À tort, car juridiquement seul le CCE pouvait le faire (en ce sens déjà CA, Rouen, 1re ch., 10 févr. 1999, SA Hispano-Suiza c/Comité local de l'établissement Hispano-Suiza).
L'attendu de principe mérite d'être repris : « Mais attendu que si les comités d'établissement ont les mêmes attributions que les comités d'entreprise, l'exercice du droit d'alerte prévu par l'article L. 432-5 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation de l'entreprise, les comités d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative ».
Remarque : il est intéressant de souligner que la cour d'appel saisie de l'affaire avait pris soin de préciser qu'il n'était pas établi que le comité d'établissement « se soit trouvé dans la situation de devoir pallier la carence du comité central d'entreprise ». La Cour de cassation ne reprend pas cette réserve, ce qui laisse à penser que même dans une telle hypothèse le comité d'établissement n'aurait pas le droit de faire jouer le droit d'alerte.

Cass. soc., 1er mars 2005, n° 03-20.429, Comité d'établissement de Plaisir de la société Intertechnique c/ Sté Intertechnique.
Rédaction : Guide Permanent Comité d'entreprise


Droit du travail
14-03-2005

CDD de remplacement : comment définir le terme du contrat en cas de prolongation de l'absence du remplacé ?
Le CDD (contrat à durée déterminée) conclu à terme imprécis pour remplacer une salariée en congé maternité puis en congé parental a pour terme la fin de l'absence de cette salariée.
L'article L. 122-1-2, III du code du travail prévoit que lorsqu'un CDD est conclu pour remplacer un salarié absent, celui-ci peut comporter un terme imprécis. Dans ce cas, il doit être conclu pour une durée minimale. Il a pour terme la fin de l'absence du remplacé. Que se passe-t-il si l'absence à l'origine du CDD se prolonge pour un autre motif ?
La Cour de cassation vient de se prononcer sur cette question à propos d'absence consécutive à la maternité.
En l'espèce, un CDD est conclu pour remplacer une salariée absente pour congé maternité. Cette dernière ayant prolongé son absence dans le cadre d'un congé parental d'éducation, le CDD s'est poursuivi. Estimant être liée par un contrat à durée indéterminée, la remplaçante saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.
La cour d'appel fait droit à sa demande : la prolongation de l'absence de la salariée par un congé parental n'a pas eu pour effet de reporter le terme du contrat à l'issue du congé. Elle estime que le contrat qui s'est poursuivi après l'expiration du congé maternité est devenu à durée indéterminée.
La Cour de cassation est d'avis contraire et casse l'arrêt d'appel pour violation de l'article L. 122-1-2 du code du travail. Selon elle, le contrat de travail, conclu pour remplacer une salariée en congé maternité, s'est poursuivi pendant le congé parental. Elle en déduit que celui-ci a pour terme la fin de l'absence de cette salariée.
Autrement dit, le CDD conclu à terme imprécis pour remplacement a vocation à couvrir la totalité de l'absence du salarié même si celle-ci s'est prolongée pour un autre motif que celui indiqué dans le contrat.

Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44.927, Sté GSF Pluton c/X
Rédaction : Dictionnaire Permanent Social


Droit du travail
07-03-2005

Licenciement disciplinaire : pouvoir de requalification des juges du fond des faits invoqués dans la lettre de licenciement
La lettre de licenciement disciplinaire fixe les limites du litige mais le juge a toujours le pouvoir de qualifier les faits invoqués.
En l'espèce, un salarié est licencié pour faute grave, la lettre de licenciement mentionnant des faits de harcèlement sexuel vis-à-vis d'autres salariés.
La cour d'appel estime que les faits ne sont pas constitutifs de harcèlement sexuel. Néanmoins elle déclare le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse consistant en des propos déplacés tenus par le salarié et révélés par une mesure d'instruction.
Selon le salarié, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, le juge ne pouvait considérer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse tout en écartant le grief de harcèlement sexuel pourtant spécifiquement invoqué dans la lettre de licenciement.
La Cour de cassation rejette cette argumentation. Elle estime que si la lettre de licenciement disciplinaire fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs retenus à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués. Par conséquent, la cour d'appel pouvait rechercher si les faits dénoncés dans la lettre de licenciement n'étaient pas constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

Cass. soc., 22 févr. 2005, 03-41.474, Fraysse c/ Sté Eurest France
Rédaction : Dictionnaire Permanent Social


Droit du travail
02-03-2005

Modification des conditions de travail : c'est au salarié de prouver la mauvaise foi de l'employeur
Le salarié qui conteste un changement de ses conditions de travail doit prouver que cette décision n'est pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise ou a été mise en oeuvre de façon abusive.
L'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction peut changer les conditions de travail du salarié, sans que celui-ci ne puisse s'y opposer, dès lors que ce changement est justifié par l'intérêt de l'entreprise. Le salarié qui refuse un changement de ses conditions de travail invoque généralement la mauvaise foi de l'employeur dans la mise en oeuvre du changement des conditions de travail.
Par deux arrêts du 23 février 2005, la Cour de cassation apporte des précisions quant à la charge de la preuve de la mauvaise foi de l'employeur.
Dans ces deux arrêts, des salariés avaient été licenciés à la suite de leur refus d'une modification de leurs conditions de travail, dont l'une résultait de l'application d'une clause de mobilité. Les salariés soutenaient que le changement des conditions de travail n'était pas motivé par l'intérêt de l'entreprise.
La Cour de cassation rappelle que « la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de modifier les conditions de travail d'un salarié est conforme à l'intérêt de l'entreprise ». Elle en déduit « qu'il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ».
Ainsi, comme l'a constaté l'une des cours d'appel, la preuve de cette mauvaise foi peut résulter de la précipitation suspecte avec laquelle la décision relative à la mutation avait été prise vis-à-vis d'une salariée ayant plus de dix ans d'ancienneté et qui, peu de temps avant, avait fait l'objet de deux avertissements fondés sur des griefs non établis.
Enfin, la Haute juridiction réaffirme que le refus par le salarié d'un changement des conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave (Cass. soc., 15 déc. 2004, n° 02-44.924, Rachmajda c/ Sté Abilis Nova Service).

Cass. soc., 23 févr. 2005, n° 04-45.463, Sté Leviel c/ Mme X.
Cass. soc., 23 févr. 2005, n° 03-42.018, M. X. c/ M. Y. et a.
Rédaction : Dictionnaire Permanent Social

Droit des Affaires

Droit commercial
08-03-2005

Experts-comptables : leurs clients ne peuvent se faire juge de la frontière du chiffre et du droit
Une société d'expertise comptable ne saurait se voir reprocher par son client d'avoir rédigé les statuts d'une société avant d'exercer dans cette société sa mission comptable permanente. Le non-respect des dispositions réglementant les consultations juridiques des experts-comptables ne saurait à lui seul constituer une faute à l'égard du client, et peu importe le point de savoir dans quel ordre les prestations ont été réalisées.

Cass. com., 22 févr. 2005, n° 02-13.348, n° 281 FS-P + B, Bremont c/ Sté Orcom Centre

Droit commercial
15-03-2005

La publicité légale des actes juridiques peut être effectuée par les experts comptables
La loi du 31 décembre 1990 a édicté que les experts comptables peuvent rédiger des actes sous seing privé, sans violation du monopole du droit, à condition qu'ils soient accessoires et directement liés à leur mission comptable confiée par leurs clients.
La publicité légale d'actes sous seing privé, faite à l'initiative d'une société d'expertise comptable, ne suffit pas à démontrer, en l'absence d'autres preuves, que cette société les a elle-même rédigés, en contravention avec les règles légales.

Cass. 1re civ., 1er mars 2005, n° 02-11.743, n° 434 F-P + B, Conférence des bâtonniers et Ordre des avocats du barreau de Nice c/SAGEC et a.
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit des affaires

Droit Européen des Affaires

Droit institutionnel
16-03-2005

Règlement des litiges : vers une procédure européenne simplifiée
Cette nouvelle procédure adoptée par la Commission doit simplifier et accélérer le règlement des litiges relatifs à des demandes ne dépassant pas 2 000 € et devrait en réduire les coûts. Ainsi, les actes sont signifiés ou notifiés aux parties par LRAR, par lettre simple, télécopie ou courriel. La procédure est écrite, sauf si la juridiction estime qu'une audience est nécessaire. Les parties ne sont pas obligées d'être représentées par un avocat.
La décision est immédiatement exécutoire sans qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire et sans qu'il soit possible de contester sa reconnaissance, nonobstant tout appel éventuel et sans qu'il y ait obligation de constituer une garantie.

Communiqué de presse de la Commission n° IP/05/296, 15 mars 2005
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit européen des affaires


Droit économique et commercial
01-03-2005

Les modalités d'accès à la profession d'avocat en Italie sont valables au regard du droit communautaire
Le contrôle exercé par l'État italien sur les règles d'accès à la profession d'avocat ne permet pas à l'Ordre des avocats d'en limiter l'accès en pratiquant une sélection quantitative.
La Cour de justice a considéré que la procédure d'examen pour l'accès à la profession d'avocat en Italie demeure sous le contrôle de l'État. Ses modalités d'organisation n'autorisent pas l'Ordre des avocats à en limiter l'accès par le biais d'une sélection quantitative. De ce fait, les règles de composition du jury de l'examen d'État pour l'accès à la profession d'avocat ne sont pas contraires au droit communautaire.
Pour la Cour, « le contrôle exercé à tous les stades de l'examen en cause dans le litige au principal par l'État permet donc de conclure que ce dernier n'a pas renoncé à exercer son pouvoir au profit d'opérateurs privés » (point 36).
En l'espèce, les questions préjudicielles posées à la CJCE concernaient, pour l'essentiel, la compatibilité des règles italiennes présidant à l'organisation du jury avec les principes communautaires de libre concurrence et de non-discrimination.
Le litige avait pour origine un candidat qui n'avait pas été admis à la phase orale des épreuves pour l'accès à la profession d'avocat. Il estimait que l'article 22 du décret-loi n° 1578/33 du 27 novembre 1933 était contraire aux articles 43, 81 et 82 du traité CE.
Plus précisément, il contestait le fait que le Conseil de l'Ordre des avocats désigne deux des cinq membres du jury et qu'un troisième membre (un professeur de droit) puisse également être, le cas échéant, avocat.
Pour le candidat, une telle représentation du Conseil de l'Ordre favorisait une limitation quantitative de l'accès à la profession d'avocat - pour des raisons d'intérêt de la part des avocats déjà installés - indépendamment de la sélection qualitative. Il en concluait que les épreuves ne « garantissaient pas un mécanisme correct de concurrence pour l'accès à la profession d'avocat » (point 7).

CJCE Ord., 17 févr. 2005, aff. C-250/03, Giorgio Emanuele Mauri c/ Commissione per gli esami di avvocato presso la Corte d'appello di Milano
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit européen des affaires


Sous la direction du

Conseil National des Barreaux


En partenariat avec

Les Editions Législatives


Difficultés des entreprises
14-03-2005

Remplacement d'un mandataire judiciaire, pouvoir discrétionnaire des juges du fond
Sous réserve du respect des principes fondamentaux de procédure, une cour d'appel peut discrétionnairement remplacer un mandataire judiciaire.
La Cour de cassation rappelle à propos de la contestation de son remplacement par un mandataire judiciaire que les jugements relatifs à la nomination ou au remplacement d'un administrateur, d'un représentant des créanciers, d'un liquidateur, des contrôleurs ou des experts ne sont susceptibles que d'un appel du ministère public (C. com., art. L. 623-6, 1er).
Aucun recours en cassation ne peut être exercé contre ces arrêts (C. com., art. L. 623-7), sauf en cas de violation d'un principe fondamental de procédure ou d'excès de pouvoir. La cour d'appel dispose d'un pouvoir discrétionnaire de remplacer un mandataire judiciaire.

Cass. com., 15 févr. 2005, n° 03-16.369, n° 217 P + B, Torelli c/ sté ANB
Rédaction : Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises


Difficultés des entreprises
17-03-2005

Statut protecteur du représentant des salariés strictement limité dans le temps
La protection du représentant des salariés est limitée à la durée de son mandat.
Lors du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, un représentant des salariés doit être désigné par le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel, ou à défaut par les salariés de l'entreprise.
Ce salarié bénéficie d'un statut particulier puisque son licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspection du travail et après avis du comité d'entreprise s'il existe.
La Cour de cassation avait à se prononcer sur l'extension de cette protection à la candidature, par assimilation avec la protection dont peuvent bénéficier les candidats, à l'élection du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.
Les juges du fond avaient annulé le licenciement du salarié candidat à l'élection du représentant des salariés au motif que le licenciement ne pouvait intervenir que sur autorisation de l'inspection du travail.
La Cour de cassation, rappelant l'article L. 627-5 du code de commerce, indique que ce texte limite la protection contre les licenciements du représentant des salariés à la durée de son mandat.

Cass. soc., 1er mars 2005, n° 02-44.293, n° 562 P + B, Sté Digital Sound et a. c/Barraux et a.
Rédaction : Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

Droit et Internet


Droit et internet
14-03-2005

Les tracts syndicaux ne bénéficient pas de la tolérance accordée à la correspondance privée
En l'absence d'accord d'entreprise, la diffusion d'e-mails syndicaux sur la messagerie mise à disposition par l'entreprise n'est pas autorisée.
Le secrétaire d'une fédération syndicale avait envoyé aux salariés d'une entreprise, sur la messagerie électronique dont ils disposent à leur poste de travail, un e-mail de nature syndicale.
Le président du TGI de Bobigny avait estimé que cet envoi constituait un trouble manifestement illicite, et ordonné en référé des mesures d'interdiction, confirmées par la suite par la cour d'appel de Paris.
La fédération syndicale estimait que la diffusion de tracts syndicaux par e-mail relevait de la correspondance privée et qu'elle ne pouvait donc être contrôlée par l'employeur, et que les e-mails avaient été envoyés depuis un site extérieur à l'entreprise.
La Cour de cassation précise qu'à défaut d'accord d'entreprise, la diffusion de tracts syndicaux sur la messagerie électronique de l'entreprise doit nécessairement être autorisée par l'employeur.

Cass. soc., 25 janv. 2005, n° 02-30.946, n° 174 FS-P + B, Fédération des services CFDT et a. c/ Sté Clear Channel France
Rédaction : Guide Permanent Droit et internet


Droit et internet
11-03-2005
Communication des requêtes et mémoires par voie électronique
Un décret du 10 mars 2005 autorise jusqu'au 31 décembre 2009 l'expérimentation devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'État, de modalités d'envoi par voie électronique des requêtes, mémoires, pièces, décisions prises pour l'instruction des affaires et décisions juridictionnelles.
Les caractéristiques techniques de la procédure électronique de transmission utilisée pour les besoins de l'expérimentation garantissent la fiabilité de l'identification des parties ou de leur mandataire, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges entre les parties et la juridiction.
Un arrêté du garde des Sceaux définit ces caractéristiques, ainsi que les exigences imposées aux parties ou à leur mandataire pour qu'un document soit valablement transmis.
Au plus tard le 31 décembre 2009, un rapport dressant le bilan de l'expérimentation sera établi par le vice-président du Conseil d'État et remis au Premier ministre. Quelles que soient les suites données à l'expérimentation, l'instruction des requêtes introduites avant le 31 décembre 2009 par la procédure électronique de transmission faisant l'objet de l'expérimentation pourra être valablement poursuivie par le même moyen.

D. n° 2005-222, 10 mars 2005 : JO, 11 mars
Rédaction : Dictionnaire Permanent Droit des affaires